La censure
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Fiche du Bureau de la censure des vues animées de la province de Québec.
Source : Cinémathèque québécoise 2005.0147.01.AR.04
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La Patrie, 10 février 1947, p.6
Source : Bibliothèque et Archives nationale du Québec
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L'Action Catholique, 6 février 1940, p.3
Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec
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Le Petit journal, 3 octobre 1948, p.29
Source : Bibliothèque et Archives nationale du Québec
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Le Petit Journal, 5 octobre 1952, p.34
Source : Bibliothèque et Archives nationale du Québec
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Image du film Les enfants du paradis (Marcel Carné, 1945).
Source : Cinémathèque québécoise, 1994.2687.PH.07
Dans l’histoire du Québec, les premières décennies du cinéma parlant
correspondent à ce que l’on a coutume d’appeler la
« grande noirceur ».
La censure du cinéma en est un élément important.
Toute parole n’est pas bonne à dire…
Avec le parlant, ce n’est plus seulement les images qu’il faut censurer, mais aussi les mots. Cela pose d’abord un problème d’ordre technique aux censeurs, qui ne peuvent couper dans les disques sur lesquels les bandes sonores sont souvent gravées dans les premières années du parlant. Les coupes dans les images deviennent également visibles, puisque l’on doit remplacer les images coupées par de l’amorce noire pour ne pas perdre le synchronisme avec la bande-son… La généralisation de l’emploi du son optique au début des années 1930 règle ces problèmes et simplifie le travail des censeurs.
Plusieurs répliques célèbres sont dès lors coupées dans les copies de films présentées au Québec. On ne laissera pas le communiste Cognasse (Louis Mercanton) proclamer
« Ni Dieu, ni maître » ou dire que « la propriété, c’est le vol ». On n’entendra pas Mae West constater que « so many men, so little time » ou « facile de se marier, pas facile de le rester ».
Plus d’enfants dans les salles commerciales
La tragédie du Laurier Palace en 1927 a amené un an plus tard un changement important à la loi de censure : désormais, les moins de 16 ans sont interdits en tout temps dans les salles commerciales. Cette mesure est maintenue jusqu’en 1961 (les enfants obtiendront alors le droit d’assister à des projections avant 18 heures). Tous les exploitants vont se battre contre elle. Plusieurs vont désobéir, mais au prix de poursuites et d’amendes. Seule entorse à la règle : lorsque des salles projettent des films destinés aux enfants comme Snow White and the Seven Dwarfs (David Hand, 1938).
Dans l’enquête précédant la loi de 1928, les milieux cléricaux ont aussi violemment protesté contre la publicité des films, jugée trop souvent immorale. La loi en instaure la censure. Dès lors, tant les affiches que les vignettes dans les journaux devront être approuvées. La situation va durer jusqu’en 1985.
Un code moral sévère
Autre suite de la tragédie et de tout ce qu’elle a provoqué comme réactions contre le cinéma, le Bureau de censure adopte en 1931 un code moral très rigide reproduisant presque intégralement le Production Code qui régente les studios américains. Des milliers de films se voient provisoirement interdits ou mutilés. Le pourcentage d’œuvres définitivement bannies ne dépasse généralement pas 2 %, mais environ 30 % des films subissent des coupures. Que retranche-t-on dans les films ? Des scènes jugées trop explicites par l’érotisme ou la violence, mais aussi tout ce qui pourrait offenser la foi des catholiques, comme Voltaire de John Adolfi ou The Life of Emile Zola de William Dieterle.
Comme le cinéma français présente davantage de liberté dans les comportements sexuels et dans la morale, il devient la principale victime des censeurs. Les films de Marcel Carné vont particulièrement en pâtir : Hôtel du Nord, Le jour se lève, et surtout Les enfants du paradis, dont l’interdiction totale, le jour même de sa présentation annoncée dans un gala à l’Université de Montréal en février 1947, va provoquer un incident diplomatique avec le gouvernement français. Même les comédies de Marcel Pagnol vont perdre des réparties.
La production américaine, déjà très censurée à l’étape du scénario, n’est pas épargnée. Certains films montrant beaucoup de violence urbaine, comme Scarface d’Howard Hawks ou Angels With Dirty Faces de Michael Curtiz, sont d’abord interdits et ne peuvent être vus que beaucoup plus tard, avec des coupures. On censure même les actualités lorsque les reportages portent sur des pays où règne le système communiste ou encore les défilés de mode où les décolletés et costumes de bain laissent entrevoir trop de peau nue. Un sommet de pudibonderie est atteint lorsque les censeurs coupent une scène de City Lights de Chaplin dans laquelle le vagabond contemple une statue de femme nue dans une vitrine.
Peut-on amadouer la censure ?
Dans l’espoir d’amadouer un peu les censeurs au sujet du cinéma français, France-Film se dote, en 1938, d’un comité d’évaluation des films destiné à orienter le jugement des censeurs officiels. Le curé de la cathédrale de Montréal, Adélard Harbour, les dirigeants de France-Film et parfois diverses personnalités visionnent les films distribués par la firme. Ils leur donnent une cote de convenance et suggèrent quoi couper. Ils ne réussissent cependant pas à adoucir le Bureau de censure, qui se montre toujours plus sévère qu’eux.
Comme les postes de censeur sont depuis les débuts attribués à des amis du parti politique au pouvoir pour services rendus, leur nombre va plus que doubler après la Seconde Guerre mondiale, passant de trois à sept, et il va même atteindre douze en 1960. L’Union nationale a beaucoup d’amis à récompenser…
La censure étend ses tentacules
Équipé en 16 mm, le réseau des salles paroissiales et des écoles diffuse aussi de plus en plus des films de divertissement qui se retrouvaient deux ou trois ans plus tôt dans l’exploitation commerciale. Paradoxalement, on y retrouve parfois des scènes retranchées lors de la sortie officielle des films en 35 mm.
En 1947, le premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, de qui relève le Bureau de censure, lui ordonne de censurer aussi tout ce qui est distribué en 16 mm, ce qui n’avait jamais été fait. Ce sont surtout des films de l’Office national du film du Canada, réalisés durant la Seconde Guerre mondiale et accusés de propagande communiste, qui sont visés.
Au même moment, la loi réitère l’interdiction des ciné-parcs, mode d’exploitation alors très apprécié des jeunes parents, qui peuvent visionner le film avec leur bébé endormi sur le siège arrière de l’auto, et surtout des adolescents, pour d’autres raisons… ce qui fait qu’ils sont considérés comme des sin pits (lieux de péché…).
Au moment où s’achève cette période, la censure est la plus sévère de toute son histoire. Alexis Gagnon dirige d’une main de fer le Bureau de censure. Il faudra attendre le début des années 1960 pour que la situation évolue.