La Seconde Guerre mondiale
Dans la distribution commerciale
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, le 3 septembre 1939, personne ne doute qu’elle aura une grande importance sur l’ensemble des activités cinématographiques au Québec.
Hollywood n’étant pas directement affecté par la guerre, dans un premier temps, les salles de cinéma anglophones du Québec poursuivent leur petit bonhomme de chemin et ne manquent jamais de films. D’autant plus que la guerre lui fournit bientôt des sujets dramatiques à souhait. Bientôt, on ne voit pratiquement que ces salles dans les pages d’annonces des quotidiens.
Dans le secteur de la distribution du film parlant français, J.A. DeSève affiche d’abord un certain optimisme : « France-Film a des films en réserve pour au moins deux ans… ». Mais les deux ans s’écoulent rapidement et la pénurie s’installe. Personne n’imaginait que le conflit durerait six longues années.
Dès décembre 1941, France-Film doit vendre le Beaubien, son fleuron des cinémas de quartier inauguré en 1937. Au même moment, elle ferme le Cinéma de Paris de Montréal. Les autres Cinéma de Paris (Trois-Rivières, Sherbrooke, Québec) restent ouverts, mais ne présentent bientôt que des reprises et parfois des spectacles.
Le Saint-Denis, « vaisseau amiral » de la chaîne à Montréal, va diversifier ses spectacles dès 1942. On y présente encore beaucoup de films, mais ce sont surtout des reprises des années 1930, parfois dans une version légèrement différente. Le Saint-Denis offre aussi beaucoup de théâtre avec des troupes locales enrichies de comédiens français réfugiés au Québec. On peut y voir chaque année le célèbre Metropolitan Opera de New York pour une semaine de représentations. Les grands musiciens internationaux comme Fritz Kreisler ou Witold Malcuzinski, s’y produisent aussi avec l’Orchestre Philharmonique de Montréal. En 1944, le Saint-Denis reçoit les Ballets russes, ce qui aurait été impensable si les Soviétiques n’étaient pas devenus les alliés du Canada.
La production de guerre
L’Office national du film en est encore à s’organiser. Son mandat est provisoirement redéfini pour qu’il devienne un important organisme d’information du public canadien au sujet de la guerre.
Dès 1940 débute la série « En avant Canada » qui, à raison d’un court métrage par mois, renseigne la population sur l’avancée de la guerre et vise à « renforcer le moral des Canadiens ». On y voit comment, dans tout le pays, la vie s’organise autour de la production de guerre, comment tous les citoyens et citoyennes participent à l’effort collectif. Une de ces productions, Churchill’s Island (La forteresse de Churchill) vaut à l’ONF son premier Oscar. Cette série se poursuit jusqu’à la fin des années 1950, avec d’autres sujets que la guerre.
En septembre 1941, une deuxième série, « Actualités canadiennes » (qui change son nom pour « Les reportages » en 1943), diffuse, comme son nom l’indique, des actualités sur des sujets très diversifiés. Destinée au public francophone, elle est dirigée par Vincent Paquette. On y trouve aussi bien des images de l’entraînement des soldats que du centenaire du village de Grande-Vallée ou de la culture du tabac à Joliette.
Une autre série, « Le monde en action », débute en 1942. Elle montre des images du conflit et vise à en expliquer les enjeux mondiaux. Sous prétexte de sympathies communistes, deux des productions sont censurées par le Bureau de censure du Québec, La Russie sous les armes (Inside Fighting Russia) et Our Northern Neighbour. La série se destine aussi au marché international, particulièrement la Grande-Bretagne et les États-Unis, où l’ONF a une entente avec le célèbre producteur d’actualités March of Time.
Une production qui est beaucoup vue
Au Canada, la distribution de la production de l’ONF se fait de multiples façons. Dans les salles commerciales francophones, France-Film ajoute les courts métrages à ses programmes. Famous Players fait de même dans ses salles anglophones. Là où il n’y a pas d’exploitation organisée, des projectionnistes de l’Office se promènent partout dans les campagnes avec des copies et les projettent où on les accueille : salles paroissiales, écoles, clubs sociaux, etc. Il y a même des séances dans les usines à l’heure du lunch.
Des spectateurs de l’époque racontent que souvent, ils allaient au cinéma surtout pour assister à ces films informatifs. Partout, les citoyens sont avides de voir des images animées sur le conflit. Dans les campagnes, ces visionnements constituent pour certains une première rencontre avec le cinéma.