Cinéma et colonisation
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Une terre avant le déssouchage. Image tirée du film En pays neufs : Sainte-Anne-de-Roquemaure (Maurice Proulx, 1942).
Source : Cinémathèque québécoise, 1995.1091.PH.04
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Des colons labourent la terre selon une technique traditionnelle dans le film Abitibi (1949).
Source : Cinémathèque québécoise, 1995.0356.PH.05
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Image provenant du film En pays neufs : Sainte-Anne de Roquemaure (Maurice Proulx, 1942).
Source : Cinémathèque québécoise, 1995.1091.PH.02
Sortir d’une crise économique
La crise économique mondiale qui débute en 1929 et qui n’épargne pas le Québec amène le gouvernement à proposer une nouvelle phase de colonisation du territoire. À la fin du XIXe siècle, l’ouverture de nombreuses terres dans les Laurentides, au nord de Montréal, avait permis de libérer la métropole de nombreux jeunes chômeurs. Dans les années 1930, le premier ministre Louis-Alexandre Taschereau fournit les moyens à de nombreuses sociétés de colonisation d’aller « faire de la terre », comme disent les colons, dans diverses régions du Québec, aussi bien en Abitibi que dans la région du lac Saint-Jean, dans le Témiscouata et en Gaspésie.
Partout, des pans de forêts cèdent la place à des espaces cultivés. Bientôt des villages, puis des villes, offrent les services de santé et d’éducation aux colons. Une partie plus importante du territoire québécois est occupée.
Pour la première fois, filmer les colons
Cette fois, nouveauté extraordinaire, la colonisation est filmée. Le prêtre agronome Maurice Proulx accompagne en 1934 un groupe de colons qui va s’installer à Roquemaure, en Abitibi. Il capte leurs principaux gestes du quotidien et leur façon d’organiser la vie en collectivité. On les voit utiliser des outils archaïques (la petite hache, le sciotte, le godendard), construire d’abord des maisons en tronçons d’arbres équarris, défricher et labourer avec des bœufs. Ses images sont muettes, mais Proulx les commente dans des dizaines de conférences. Son objectif nettement propagandiste vise à promouvoir la participation à la création d’une nouvelle portion de pays : dans ses images, tout se passe bien, les colons affichent tous de larges sourires, personne ne rencontre de difficultés particulières. En fait, on découvrira plus tard dans Les brûlés, fiction de Bernard Devlin, que la réalité n’était pas si idyllique.
Proulx revient sur le même lieu les trois années suivantes, procédant chaque fois à de nouvelles prises de vues. Ainsi, son court métrage de 1934 devient bientôt un long métrage, En pays neufs. Dès la deuxième année, il structure ses séquences selon le paradigme du progrès : la première chapelle de bois rond est devenue une église en belles planches ; la « garde Bédard » (infirmière) se déplace d’abord à pied, puis elle bénéficie d’un cheval et finalement d’une automobile ; après les légumes, on peut maintenant planter des fleurs ; des journaux (L’Action catholique) parviennent désormais jusqu’à la communauté villageoise, etc. Dès 1937, le ministère de la Colonisation décide d’utiliser le film en tant qu’instrument de propagande ; il en finance la sonorisation et la préparation de copies. En 1942, Proulx retourne en Abitibi tourner – en couleurs cette fois-ci – un épilogue à En pays neufs, Sainte-Anne-de-Roquemaure, dans lequel il montre sous un jour des plus favorables les derniers progrès des colons.
Proulx va ensuite filmer la colonisation ou ses résultats dans diverses régions, surtout en Gaspésie (En pays pittoresque), dans un village nommé Saint-Octave-de-l’Avenir dont, ironiquement, Marcel Carrière va tourner les images déchirantes de la fermeture en 1971 et 1972. Des images emblématiques des débuts du Québec. Les films de Proulx renseignent non seulement sur les années 1930, mais ils symbolisent la création du pays dans ses tous débuts. Car la pellicule enregistre des gestes qui ressemblent beaucoup à ceux des premiers découvreurs et agriculteurs. Dans les quatre années où s’échelonne le tournage, on assiste en accéléré à presque trois cents ans d’histoire. Au tournant des années 1950, la saga d’Un homme et son péché, suivi de Séraphin, renvoie à la phase de colonisation de la fin du XIXe siècle. Là aussi, mais par la fiction, s’expriment l’esprit des colons et leurs réactions devant les difficultés rencontrées.